Illustration by John Hersey

Un ordinateur peut-il diagnostiquer l’autisme?

L’apprentissage automatique (machine learning) présente une possibilité pour aider les cliniciens à repérer l’autisme plus tôt, mais des obstacles techniques et éthiques demeurent.

By Jeremy Hsu
30 July 2019 | 22 min read

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ax, le fils de Martin Styner, avait 6 ans au moment où les cliniciens ont prononcé un diagnostic d’autisme. L’année précédente, le professeur de maternelle de Max avait remarqué quelques signes comportementaux. Par exemple, le petit garçon pouvait s’immerger dans des livres si profondément qu’il se coupait de ce qui se passait autour de lui. Mais ce n’est que lorsque Max a commencé à ignorer son professeur l’année suivante que ses parents ont demandé l’aide d’un psychologue pour l’évaluer.

Max est à l’extrémité légère du spectre. Pourtant, Styner, professeur de psychiatrie et d’informatique à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, se demandait s’il ne s’était pas dupé en ne détectant pas les signes plus tôt. Après tout, Styner a étudié l’autisme pendant la plus grande partie de sa carrière.

Étant donné la complexité et la variété de l’autisme, il n’est pas surprenant que même des experts comme Styner ne l’identifient pas toujours tout de suite. Et même quand ils en repèrent les signes, obtenir un diagnostic d’autisme prend du temps : les familles doivent parfois visiter le service spécialisé le plus proche pour plusieurs rendez-vous en face-à-face. Tout le monde n’a pas facilement accès à ces services, et les gens peuvent attendre des mois pour un rendez-vous.

Cette réalité a causé un écart de détection : Bien qu’un diagnostic précis puisse être établi dès l’âge de 2 ans, l’âge moyen du diagnostic aux États-Unis est de 4 ans. Et pourtant, plus le diagnostic est réalisé tôt, meilleur est le résultat.

Certains chercheurs affirment que les retards dans le diagnostic de l’autisme pourraient diminuer avec l’augmentation de l’apprentissage automatique — une technologie développée dans le cadre de la recherche sur l’intelligence artificielle. En particulier, ils placent leurs espoirs dans son développement le plus récent connu sous le nom d’apprentissage profond (deep learning). « L’apprentissage automatique a toujours fait partie du domaine », dit Styner, « mais les méthodes et les applications n’ont jamais été assez solides pour avoir un impact clinique ; cela a changé avec le début de l’apprentissage profond. »

La puissance de l’apprentissage profond vient de la découverte de motifs subtils, parmi des combinaisons de caractéristiques, qui peuvent ne pas sembler pertinents ou évidents à l’œil humain. Cela signifie qu’il est bien adapté pour donner un sens à la nature hétérogène de l’autisme, dit Styner. Là où l’intuition humaine et les analyses statistiques pourraient rechercher un trait unique, peut-être inexistant, qui différencie systématiquement tous les enfants avec l’autisme de ceux qui ne l’ont pas, les algorithmes d’apprentissage profond cherchent plutôt des ensembles de différences.

Pourtant, ces algorithmes dépendent fortement du facteur humain. Pour apprendre de nouvelles tâches, ils « s’entraînent » sur des jeux de données qui incluent généralement des centaines ou des milliers d’exemples « justes » et « faux » — disons, un enfant souriant ou ne souriant pas — étiquetés manuellement par des humains. Cependant, grâce à un entraînement intensif, cependant, les applications de l’apprentissage profond dans d’autres domaines ont finalement égalé la précision des experts humains. Dans certains cas, elles sont parvenues à faire mieux.

« Je pense que ces approches vont être fiables, quantitatives, évolutives — et elles sont sur le point de révéler de nouveaux motifs et informations sur l’autisme que, je crois, nous ne connaissions pas auparavant », déclare Geraldine Dawson, professeur de psychiatrie et de sciences comportementales à l’Université de Duke à Durham, en Caroline du Nord. « Non seulement l’apprentissage automatique aidera les cliniciens à dépister les enfants plus tôt », dit-elle, « mais les algorithmes pourraient aussi offrir des indices sur les traitements. »

Toutefois, tout le monde n’est pas optimiste quant aux promesses de cette approche. De nombreux experts notent qu’il existe des obstacles techniques et éthiques que ces outils sont peu susceptibles de surmonter dans un avenir proche. L’apprentissage profond — et plus généralement l’apprentissage automatique — n’est pas une « baguette magique », affirme Shrikanth Narayanan, professeur de génie électrique et d’informatique à l’Université de Californie du Sud à Los Angeles. Quand il s’agit de poser un diagnostic et compte-tenu du risque qu’un ordinateur puisse se tromper, il y a des « implications profondes » pour les enfants avec autisme et leurs familles. Mais il partage l’optimisme, exprimé par maintes personnes dans le domaine, que la technique pourrait rassembler la recherche sur l’autisme en génétique, en imagerie cérébrale et sur les observations cliniques. « Sur l’ensemble du spectre », dit-il, « le potentiel est énorme. »

Plus c’est grand, mieux c’est:

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our faire des prédictions précises, les algorithmes d’apprentissage automatique demandent de grandes quantités de données d’entraînement. Cette exigence constitue un sérieux défi dans la recherche sur l’autisme, car la plupart des données pertinentes pour les diagnostics proviennent d’observations cliniques minutieuses — et donc limitées. Certains chercheurs commencent à construire de plus grands jeux de données en utilisant des appareils mobiles avec des caméras ou des capteurs portables pour suivre les comportements et les signaux physiologiques, tels que les mouvements des membres et le regard.

En 2016, un effort européen appelé projet DE-ENIGMA a commencé à construire la première base de données à grande échelle disponible gratuitement, basée sur les comportements de 62 enfants britanniques et de 66 enfants serbes avec autisme. Jusqu’à présent, ce jeu de données comprend 152 heures d’interactions vidéo entre des enfants et des adultes ou des robots. « L’un des objectifs principaux du projet est de créer une base de données où on peut entraîner l’apprentissage automatique à reconnaître les émotions et les expressions », explique Jie Shen, chercheur en informatique à l’Imperial College de Londres et l’expert en apprentissage automatique de DE-ENIGMA.

L’équipe de Dawson à Duke collecte également des vidéos d’enfants autistes via une application mobile développée pour un projet appelé Autism & Beyond. En 2017, au cours de la première année du projet, plus de 1 700 familles ont participé, en téléchargeant près de 4 500 vidéos sur les comportements de leurs enfants et en répondant à des questionnaires. « Nous recevions en un an la quantité de données que les experts pourraient obtenir en une vie », explique Guillermo Sapiro, professeur d’ingénierie électrique et informatique à Duke, travaillant sur la prochaine version de l’application.

Le groupe entraîne également un algorithme d’apprentissage profond pour interpréter les actions dans les clips vidéo et détecter des comportements spécifiques — ce que Dawson décrit comme un « phénotypage numérique ». Lors de la réunion de l’International Society for Autism Research, Dawson a présenté les résultats d’une étude de 104 bébés, dont 22 avec autisme, regardant une série de vidéos sur une tablette. L’appareil photo de la tablette enregistrait les expressions faciales et les mouvements de la tête de l’enfant. L’algorithme a détecté un retard de deux secondes dans la réponse des enfants autistes lorsque quelqu’un qui les appelle par leur nom. Les cliniciens pourraient facilement manquer ce léger décalage, un signale d’alarme important pour l’autisme, dit Dawson.

Une mise en garde quant à ce genre d’approche est que la collecte de données en dehors des limites structurées d’un laboratoire ou d’un cabinet de médecin peut être désordonnée. Sapiro dit qu’il était resté perplexe devant l’évaluation par l’algorithme d’un participant du projet Autism & Beyond qui présentait un mélange de comportements à la fois typiques et atypiques du développement. Cependant, quand Sapiro a regardé les vidéos de cette petite fille, il a rapidement réalisé ce qui se passait : Son comportement était typique pendant la journée, mais atypique pendant la nuit, quand elle était fatiguée.

Les chercheurs pourraient être en mesure d’interpréter ces vidéos plus facilement en les combinant avec des informations provenant de capteurs qui enregistrent le comportement d’un enfant. Un groupe de scientifiques du Georgia Institute of Technology d’Atlanta étudie cette approche, qu’ils décrivent comme une « imagerie comportementale ». L’un des scientifiques, Gregory Abowd, a deux fils dans le spectre, dit « Mon aîné est non-parlant, et mon plus jeune parle mais a du mal à communiquer efficacement ». En 2002, trois ans après que son fils aîné a reçu un diagnostic d’autisme à l’âge de 2 ans, il a déclaré : « J’ai commencé à m’intéresser à ce que je pouvais faire en tant qu’informaticien pour relever les défis liés à l’autisme. »

Les scientifiques de Georgia Tech étudient des capteurs pour suivre une gamme de données physiologiques et comportementales. Dans un projet, ils utilisent des accéléromètres portables pour surveiller les mouvements physiques qui pourraient indiquer des comportements problématiques, tels que l’automutilation. Une autre initiative consiste à utiliser des lunettes munies d’un appareil photo situé sur le pont du nez pour faciliter le suivi du regard d’un enfant pendant les séances de jeu.

Le chercheur en informatique James Rehg, explique que le rêve d’entraîner des algorithmes d’apprentissage automatique à utiliser ces signaux afin de générer automatiquement un instantané des compétences de communication sociale de l’enfant. « Je pense que c’est une période très excitante et un domaine passionnant précisément à cause de la richesse des signaux et des différents types d’informations que les gens explorent », explique Rehg.

Helen Egger, présidente du département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à NYU Langone Health à New York et co-investigateur sur le projet Autism & Beyond, explique que des données comportementales complètes pourraient également fournir des indices sur les conditions qui coexistent souvent avec l’autisme. Egger dit que des plus grands ensembles de données peuvent aider à comprendre le chevauchement des traits comportementaux entre l’autisme et des conditions telles que l’anxiété, le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention, le trouble obsessionnel-compulsif et la dépression. « Nous devons être en mesure d’utiliser ces outils avec le spectre complet des enfants pour différencier les enfants avec autisme de ceux sans », dit-elle.

« Sur l'ensemble du spectre, le potentiel est énorme. » — Shrikanth Narayanan

Les tout premiers signaux:

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ertaines équipes de recherche espèrent entraîner des modèles d’apprentissage automatique pour détecter les signes de l’autisme avant même l’apparition des symptômes comportementaux.

Styner et ses collègues de l’Infant Brain Imaging Study (IBIS), un des quatre réseaux de recherche aux États-Unis, utilisent l’apprentissage profond pour analyser les images cérébrales de plus de 300 bébés frères et sœurs avec autisme. Puisque ces « bébés apparentés » sont connus pour être exposés à un risque accru d’autisme, il pourrait être plus facile de repérer les signes de la condition dans ce groupe. En 2017, IBIS a publié deux études dans lesquelles des algorithmes d’apprentissage automatique ont relevé certains schémas de croissance et de connectivité du cerveau et prédisaient correctement un diagnostic de l’autisme dans plus de 80% des cas.

« Une différence fondamentale entre nos études et de nombreuses études d’apprentissage automatique est que nous avons prédit un résultat diagnostique postérieur à partir d’une période pré-symptomatique », explique Joseph Piven, professeur de psychiatrie et directeur du Carolina Institute for Developmental Disabilities à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, et investigateur IBIS. « Cela sera clairement utile cliniquement, si l’étude est répliqué. »

L’apprentissage automatique appliqué à l’imagerie cérébrale pourrait également fournir plus qu’une prédiction binaire, « oui » ou « non », sur un diagnostic, dit Styner. Il pourrait également prévoir où cet enfant se situe sur le spectre de l’autisme, de léger à sévère. « C’est vers cela que nous allons, et je vois dans nos recherches et dans les recherches d’autres personnes que c’est vraiment possible », dit-il.

Un facteur limite le volume de données d’imagerie cérébrale qui peuvent être recueillies : les participants doivent trouver des appareils d’imagerie par résonance magnétique qui sont volumineux, coûteux et difficiles à utiliser avec les enfants. Une option plus flexible pour détecter les signes précoces de l’autisme pourrait être l’électroencéphalographie (EEG), qui enregistre l’activité électrique dans le cerveau grâce à des bonnets équipés de capteurs. « C’était et c’est toujours la seule technologie de mesure du cerveau qui peut être largement utilisée dans la pratique des soins cliniques », explique William Bosl, professeur d’informatique de santé, de science des données et de psychologie clinique à l’Université de San Francisco.

Les algorithmes d’apprentissage automatique ne représentent que la première partie de l’équation dans l’utilisation de l’EEG. La seconde concerne ce que Bosl décrit comme la « sauce secrète » — des méthodes informatiques supplémentaires qui suppriment le bruit de ces signaux et facilitent la détection de motifs dans les données. Dans une étude de 2018, Bosl et ses collègues ont utilisé ce mélange algorithmique pour suivre les EEG de 99 « bébés apparentés » et de 89 bébés à faible risque pendant près de trois ans. En utilisant des données EEG de bébés d’au moins 3 mois, la méthode a été en mesure de prédire les scores de gravité sur le test de diagnostic de référence, le Calendrier d’observation de diagnostic de l’autisme (Autism Diagnostic Observation Schedule, ADOS).

Même lorsqu’ils sont prometteurs, les algorithmes ne révèlent rien sur la signification biologique de leurs résultats prédictifs, avertissent les chercheurs. « Nous ne savons pas ce que l’ordinateur capte dans le signal EEG en soi », explique Charles Nelson, directeur de recherche au Children’s Hospital’s Developmental Medicine Center en Boston, qui a codirigé le travail sur l’EEG. « Peut-être que c’est un bon biomarqueur prédictif, et par conséquent nous pouvons faire une prédiction ultérieure au sujet d’un résultat passé, mais cela ne nous dit pas pourquoi les enfants développent l’autisme. »

Tout comme les chercheurs travaillant sur l’imagerie cérébrale ou les données comportementales, ceux qui se concentrent sur l’EEG s’appuient également sur des jeux de données relativement petits, ce qui induit des complications. Par exemple, parfois un algorithme apprend si bien les motifs d’un jeu de donné particulier qu’il ne peut pas généraliser ce qu’il a appris à des jeux de données plus volumineux et plus complexes, explique Bosl. Ce problème, appelé « surapprentissage », rend particulièrement important la validation des résultats par d’autres études — idéalement par des équipes indépendantes.

Un autre écueil commun survient lorsque les chercheurs utilisent des jeux de données d’apprentissage qui contiennent un nombre égal d’enfants avec et sans autisme, dit Styner. L’autisme n’est pas présent dans la moitié des enfants ; c’est plus proche de 1 enfant sur 60 aux États-Unis. Lorsque l’algorithme passe des données d’entraînement au monde réel, son problème « d’une aiguille dans une botte de foin » — l’identification des enfants avec autisme — devient beaucoup plus difficile : au lieu de trouver 100 aiguilles mélangées avec 100 brins de foin, il doit trouver 100 aiguilles parmi 6000 brins de foin.

Assisté par ordinateur:

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ompte tenu de ces défis, de nombreux chercheurs spécialisés sur l’autisme hésitent à se lancer dans la commercialisation d’applications fondées sur l’apprentissage automatique. Mais quelques-uns se sont plus volontiers engagés avec des startups — ou ont lancé les leurs — dans le but de contourner le goulot d’étranglement du dépistage de l’autisme.

Abowd occupe le poste de directeur de la recherche pour l’entreprise Behaviour Imaging à Boise en Idaho depuis 2005, lorsque Ron et Sharon Oberleitner l’ont fondée, presque dix ans après le diagnostic d’autisme chez leur fils. La société propose des solutions de télémédecine, comme l’application Naturalistic Observation Diagnostic Assessment, qui permet aux cliniciens de faire des diagnostics de l’autisme à distance à partir de vidéos personnelles téléchargées.

Behaviour Imaging est à mi-chemin d’une étude qui vise à entraîner des algorithmes d’apprentissage automatique pour caractériser les comportements dans les vidéos d’enfants. Une fois qu’ils identifient les comportements, ils pourraient attirer l’attention des cliniciens sur les moments clés de la vidéo et leur éviter de devoir regarder la vidéo du début à la fin. À leur tour, les cliniciens pourraient améliorer l’algorithme en confirmant ou en corrigeant ses évaluations de ces moments. « Ce sera un outil d’aide à la prise de décisions cliniques qui permettra de développer en permanence l’expertise de l’industrie sur les comportements atypiques de l’autisme », déclare Ron Oberleitner.

Une vision plus ambitieuse pour le dépistage de l’autisme assisté par ordinateur vient de Cognoa, une startup basée à Palo Alto, en Californie. La société offre une application mobile qui fournit des évaluations des risques aux parents sur la base d’environ 25 questions à choix multiple et des vidéos des activités de leur enfant. Comme objectif, les dirigeants de Cognoa veulent l’approbation de la Food and Drug Administration des États-Unis pour une application qui, selon eux, permettra aux pédiatres de diagnostiquer l’autisme et de diriger les enfants directement vers un traitement.

Dennis Wall, désormais chercheur à l’Université de Stanford, a fondé Cognoa en 2013. Après deux études publiées en 2012, il est devenu convaincu que ses algorithmes d’apprentissage automatique pourraient être entraînés pour rendre les diagnostics d’autisme plus précis et plus rapides que deux outils de dépistage, l’ADOS et l’entrevue diagnostique de l’autisme-révisée (Autism Diagnostic Interview-Revised, ADI-R). « Ce fut un pas en avant et une base de lancement solide pour les travaux futurs », explique Wall.

Mais les articles de Wall en 2012 n’ont pas convaincu tout le monde. Plusieurs critiques, y compris Narayanan, ont souligné dans une analyse de 2015 que ces études utilisaient de petits jeux de données et ne prenaient en compte que les enfants avec autisme grave, sans compter les formes les plus compliquées et les plus difficiles à diagnostiquer. Dans le monde réel, argumentaient-ils, ses algorithmes manqueraient beaucoup de cas qu’un clinicien diagnostiquerait. Wall a publié une étude de validation en 2014 qui, selon lui, a confirmé la performance de l’algorithme sur un jeu de données indépendant, y compris les données provenant d’enfants au milieu du spectre. Il reconnaît que les études de 2012 ont utilisé de plus petits jeux de données, mais affirme que la précision de ses algorithmes sur des jeux de données plus importants utilisés dans des études ultérieures est robuste.

En 2016, Narayanan et certains de ses co-chercheurs de 2015 ont décrit leurs propres efforts pour utiliser l’apprentissage automatique afin de rationaliser le dépistage et le diagnostic de l’autisme. Dans leur conclusion, ils ont émis une note de prudence, disant que leurs algorithmes, entraînés sur les réponses des parents cherchant un diagnostic pour leur enfant, se sont également bien comportés mais nécessitaient plus de tests dans des populations plus grandes et plus diverses. « Je pense qu’il existe un potentiel clair pour affiner les algorithmes d’instruments cliniques grâce à l’apprentissage automatique », explique le co-chercheur Daniel Bone chez Yomdle, Inc., une start-up technologique basée à Los Angeles et Washington, DC. « Cependant, je n’ai pas encore vu de preuves claires — y compris dans mon propre travail — que cette approche est une étape monumentale au-delà des méthodes statistiques traditionnelles qui ont été employées par les chercheurs pendant des décennies. »

Le simple fait d’accumuler des données pour entraîner des algorithmes d’apprentissage automatique ne sera pas forcément utile, affirme Catherine Lord, collaboratrice de Bone, directrice du Center for Autism and the Developing Brain à White Plains, New York, qui a développé l’ADOS. Parfois, il y a des explications évidentes mais non reconnues du succès apparent d’un algorithme, ajoute Lord. Par exemple, les garçons sont diagnostiqués avec autisme environ quatre fois plus souvent que les filles. Une étude d’apprentissage automatique qui semble réussir à prédire la différence entre les personnes avec autisme et sans autisme, peut en fait ne rien remarquer de plus que les différences entre les sexes. De même, elle pourrait ne détecter que sur des différences d’intelligence. « Ce n’est pas la faute de l’apprentissage automatique-dit Lord-ce sont les rapporteurs humains et l’idée générale que si vous avez suffisamment de participants dans une étude, vous pouvez faire n’importe quoi. »

« Ce n'est pas parce c’est exprimé en termes mathématiques que c'est plus réel. » Fred Shic

Y sommes-nous déjà?

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ertaines équipes affirment que l’apprentissage automatique peut prédire l’autisme avec une précision bien au-delà de 95%, mais il est peu probable que ces taux résisteraient à des conditions de test plus rigoureuses, disent les chercheurs. Tant que les algorithmes n’atteignent pas ces performances, ils sont loin d’être prêts pour une utilisation clinique — et ils ne seront pas efficaces sans des diagnosticiens plus expérimentés qui guideront leur développement : il faut une expertise clinique pour reconnaître et éviter les pièges les plus évidents dans l’interprétation des données disponibles.

« Dans l’ensemble, je pense que le plus gros problème que nous ayons, ce sont les personnes disposant d’une expertise en exploration de données utilisant des jeux de données qu’elles ne comprennent pas, car elles ne sont pas guidées par une perspective clinique », explique Fred Shic, professeur de pédiatrie à l’Université de Washington à Seattle. « Je pense qu’il est vraiment important de travailler ensemble pour extraire des vérités profondes ; nous avons besoin de personnes avec une compréhension de tous les aspects pour s’asseoir ensemble et travailler là-dessus. » Les rédacteurs de journaux devraient également trouver des rapporteurs avec une expertise en apprentissage automatique pour évaluer les études relatives à l’autisme, dit-il.

Shic est co-investigateur sur un projet qui a développé une application sur tablette appelée Yale Adaptive Multimedia Screener, qui utilise la narration vidéo pour guider les parents à travers des questions sur le comportement de leur enfant. « Je pense que cela a beaucoup d’avantages », dit-il, mais ajoute : « Je ne veux pas le promouvoir excessivement car franchement il y a plein de façons de se tromper avec ces choses. » Pour en savoir plus, a-t-il dit, les chercheurs ont besoin d’études sur des effectifs plus importants avec un suivi à long terme.

Shic dit qu’il prend l’habitude de scruter les méthodes utilisées par les autres chercheurs et vérifie également s’ils reproduisent l’exactitude de leur algorithme en utilisant un jeu de données indépendant. « Bien sûr, nous verrons beaucoup de progrès. Nous verrons aussi beaucoup de poudre de perlimpinpin-dit-il-nous devons donc être vigilants et suspicieux et critiques comme nous l’avons été à propos de toute nouveauté ; ce n’est pas parce c’est exprimé en termes mathématiques que c’est plus réel. »

Les mathématiques ne résoudront jamais les problèmes éthiques qui peuvent découler de l’apprentissage automatique pour le diagnostic de l’autisme, notent d’autres. « Je ne pense vraiment pas que nous devrions mettre la puissance du diagnostic, même le diagnostic précoce, entre les mains de machines qui transmettraient ensuite les résultats de la machine à la famille », explique Helen Tager-Flusberg, directrice du Center for Autism Research Excellence à l’Université de Boston. « C’est un moment très bouleversant dans la vie d’une famille quand on leur dit que leur enfant a le potentiel d’avoir un trouble neurodéveloppemental potentiellement dévastateur. »

Styner souligne la possibilité de faux positifs, c’est-à-dire des cas où un ordinateur pourrait à tort identifier un enfant comme étant autiste, comme une raison d’avancer prudemment. « Je pense en fait que quelque chose comme Cognoa ferait du mal — un mal significatif — s’il prédisait à tort qu’un enfant était autiste alors que ce n’est pas le cas -dit-il- à moins que vous n’ayez une prédiction en béton, je ne vois pas comment ce ne pourrait pas être d’une certaine façon contraire à l’éthique, à cause de ces faux positifs. »

Dans la propre famille de Styner, les choses se sont mieux passées qu’il n’aurait pu le prévoir. Son fils Max, maintenant âgé de 11 ans, est doué sur le plan scolaire et profite d’un cours de compétences sociales et d’un groupe de jeu hebdomadaire. En fait, il se porte si bien qu’il ne franchirait peut-être plus le seuil d’un diagnostic d’autisme, dit Styner.

Cependant, compte tenu de son expérience de parent, il comprend pourquoi les familles sont aussi enthousiastes à l’idée de dépistages et de diagnostics plus précoces — et cela le motive encore dans ses efforts pour perfectionner le potentiel de l’apprentissage automatique. « Je peux vraiment comprendre les familles et leur intérêt à connaître non seulement le diagnostic, mais aussi ce à quoi s’attendre quant à la gravité des symptômes », dit-il. « J’aurais certainement voulu savoir. »

Syndication

Cet article a été republié par The Atlantic.

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